Le droit de l’environnement au cœur de la santé environnementale (8) Par maître Taleb Khyar *10/15/2021
Cette hypothèse n’a rien d’anecdotique, rien de fantaisiste non plus ; on peut même affirmer qu’il s’agira de revivre les conséquences de la sécheresse des années soixante-dix (70), mais dans un environnement plus hostile, car les populations seront cette fois-ci enfermées dans leurs espaces de vie qui deviendront de véritables camps de réfugiés, des ghettos, en attente de dons en provenance de personnes charitables, ou d’institutions caritatives pour surmonter leur détresse, ou survivre à leur calvaire ; ce sont en effet quatre millions de personnes, conformément aux projections, qui se verront privées de l’élevage, de la pêche et de l’agriculture de subsistance, autant d’activités qui ont permis à leurs ancêtres de traverser des siècles en toute quiétude.
On peut difficilement imaginer que le projet dont la réalisation est envisagée puisse valablement suppléer à ce mode de vie qui garantit un équilibre des relations marchandes intra-communautaires (pêcheurs, éleveurs, cultivateurs), procure subsistance et favorise une coexistence harmonieuse avec l’environnement ; se retrouver à terme avec une demi-dizaine de millions de bouches sans nourriture, sans emplois, sans abris, ne va pas se résoudre grâce à des acrobaties budgétaires à la limite de la légalité, pompeusement qualifiées d’arguments macro-économiques, et ce ne sont certainement pas les rentiers du mégaprojet qui viendront au secours des populations déracinées, dont les repères auront été gommés d’ici là. Une chose est certaine ; avec ce mégaprojet, on s’éloigne des objectifs premiers de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) que sont le développement de l’agriculture irriguée, la production d’énergie et la navigation. Ce mégaprojet ne répond pas non plus, aux objectifs de développement durable proclamés dans la Charte des eaux du fleuve Sénégal, à laquelle la Mauritanie est partie prenante, à côté de la Guinée, du Mali et du Sénégal , charte qui prévoit l’intégration de la dimension de l’environnement dans la gestion de la ressource, et le maintien durable des conditions écologiques favorables dans le bassin du fleuve ; ce texte permet en outre de s’interroger sur la qualité des parties au mégaprojet, pour apprécier à elles-seules, sans égard pour les autres concernées dont la Guinée, le Mali, mais aussi les populations riveraines, la menace que constitue l’activité du mégaprojet sur la sécurité alimentaire, et la lutte pour la réduction de la pauvreté. La sécurité alimentaire, c’est d’abord et avant tout , la préservation de l’écosystème, et si la sécheresse des années soixante-dix (70) a plongé dans la précarité des centaines de milliers de familles, qui sont venues s’agglutiner autour des grandes villes, comme Nouakchott et Nouadhibou, y créant des zones de non-droit largement tolérées ou plutôt subies par les pouvoirs publics, au détriment d’une urbanisation contrôlée, ce scénario ne risque pas de se répéter avec la pollution inéluctable des eaux du fleuve Sénégal sous l’effet de ce mégaprojet , car cette fois-ci, la possibilité d’absorption de l’exode par les villes aura atteint ses limites , et ces populations seront donc des réfugiées sur leur propre territoire, enfermées dans des camps, pour ne pas dire des mouroirs ; on pourra alors valablement parler de réfugiés climatiques, comme d’ailleurs ce fût le cas dans les année soixante-dix (70) lorsqu’on assista à un véritable déferlement des populations rurales venant occuper sauvagement les villes ; il s’agissait déjà de réfugiés climatiques, mais que l’on dissimulait sous le vocable « exode rurale », pour se faire bonne conscience. Les réfugiés climatiques, il y en a désormais au Nord de la Mauritanie, où les populations de Taziast et de l’Inchiri, fortement attachées à leur cheptel, composé exclusivement de camelins, et qu’elles voient se décimer sous leurs yeux à cause des émanations de cyanure, se trouvent obligées de migrer vers d’autres espaces plus cléments qui, bien souvent se situent à des centaines de kilomètres de leurs terres traditionnelles de parcours, ce qui est non seulement porteur d’hostilités et de conflits avec les tribus dominantes dans ces nouveaux espaces, mais provoquent également chez le cheptel, un stress affectant gravement sa santé, la qualité de sa viande et de son lait, du fait de la difficulté qu’éprouvent les « bêtes » à s’intégrer dans cet espace jusque-là inconnu ; une partie de ce cheptel finit toujours par se soustraire à la vigilance des bergers, choisissant délibérément , mais de manière volontaire, irrémédiable, et planifiée, de retourner vers ses terres d’origine, préférant y succomber sous l’effet des émanations de cyanure, que d’errer en terre inconnue, à la recherche de pâturages hypothétiques. Toujours au Nord, mais cette fois en plein milieu urbain à Zoueirat, l’atteinte à l’environnement mobilise les populations contre la floraison d’usines de broyage et de concassage en plein centre de la ville, utilisant des produits toxiques d’une dangerosité gravissime pour les populations , et il faut se féliciter que la justice se soit enfin saisie pour la première fois d’un problème à caractère environnemental, ordonnant l’arrêt des activités des usines de concassage et de broyage, même si la Cour suprême est intervenue pour ordonner le sursis à une telle décision pourtant confirmée en appel à Nouadhibou. Il faut souhaiter que la Cour suprême prenne la mesure de la place qu’est appelé à occuper le droit de l’environnement dans les législations et les pratiques des cours et tribunaux, et trouver le moyen d’affecter à cet effet un budget de formation pour les magistrats de cette haute juridiction afin de les familiariser avec cette discipline d’une actualité brûlante, et qui le sera davantage dans les années à venir. L’intérêt d’une telle formation est de familiariser les apprenants, comme dans aucune autre discipline en droit, avec la dimension internationale du droit de l’environnement due aux effets globaux des catastrophes environnementales, qui s’étendent bien au-delà des frontières géographiques des Etats, outre une meilleure compréhension des grandes problématiques environnementales actuelles, telles le réchauffement climatique, les atteintes à la biodiversité, la pollution des océans…..qui ne peuvent se contenter d’approches strictement nationales. Les apprenants acquerront également une culture pluridisciplinaire, leur permettant de se familiariser avec le rôle des mouvements associatifs dans la préservation de l’écosystème qui devient un enjeu de développement et de santé publique ; nos magistrats pourront alors mieux comprendre, et tolérer avec plus de prédispositions favorables, la présence de la société civile dans les prétoires pour la défense des écosystèmes. Après cette brève digression, revenons au vif du sujet, concernant les usines de broyage et de concassage, afin de souligner qu’il suffit pour en apprécier le danger, de se représenter les incidences des poussières en provenance de telles activités sur les êtres humains : réduction de l’espérance de vie, hausse de la morbidité, inflammation des voies respiratoires, maladies cardio-vasculaires, facilités de contagion dues aux taux élevés de concentration du virus de la grippe dans l’atmosphère. On retrouve des effets identiques sur la faune. Il est de l’ordre du naturel des choses que la population de Zouerate se trouve désormais exposée de manière grave, et imminente à l’apparition de maladies nouvelles jusque- là inconnues avec leurs lots de morts suspectes, et de naissances avec malformations……(à suivre). |
Bouquet de
|